*Cet article est originalement apparu sur le site voirvert.ca
Les efforts qui caractérisent actuellement la transition écologique au Québec et au Canada portent principalement sur la réduction de la consommation énergétique, la réduction des gaz à effet de serre (GES) et l’élimination/valorisation des déchets.
Ces efforts se traduisent dans l’environnement bâti québécois depuis des années. Il reste cependant beaucoup à faire afin notamment d’offrir une solution durable à l’urgence climatique décrétée au Canada et ailleurs dans le monde, notamment à l’ONU, et rappelée par plus de 11 000 scientifiques de partout dans le monde.
Le secteur qui conçoit, réalise, exploite et maintient l’environnement bâti est responsable pour 17 % des GES au Canada. Ce chiffre grimpe à 40 % à l’échelle planétaire. De ces proportions, il est évalué que 11 % des GES sont inclus dans les produits et les équipements de construction (embodied carbon en anglais). La figure suivante illustre le carbone du cycle de vie des actifs bâtis.
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En réponse à cela, le World Green Building Council a établi des cibles ambitieuses de réduction des GES : « D’ici 2030, tous les nouveaux bâtiments, infrastructures et rénovations devront avoir réduit de 40 % au moins le poids carbone des produits et équipements et tous les nouveaux bâtiments devront avoir un bilan carbone de la consommation énergétique "net zéro". D’ici 2050, les nouveaux bâtiments, infrastructures et rénovations devront afficher un bilan carbone des produits et équipements de construction "net zéro", et tous les bâtiments, y compris les bâtiments existants, devront avoir un bilan carbone de la consommation énergétique "net zéro". » L’atteinte de ces cibles nécessite des actions ambitieuses, concrètes et concertées.
Quant aux déchets de construction, rénovation et démolition (CRD) en phase de construction, il est estimé qu’entre 10 % et 30 % de tous les matériaux livrés sur un chantier (en poids) sont gaspillés à cause des dommages, des pertes et d’une mauvaise gestion. Au Québec, ce secteur est responsable de jusqu’à 41 % de la quantité totale de matières résiduelles générées dans la province. Bien que le Québec indique avoir atteint ses cibles d’acheminement des résidus de CRD vers les centres de tri, il appert que de nombreux problèmes persistent quant à l’élimination de ceux-ci. D’autres solutions doivent donc être envisagées.
La réduction de la consommation énergétique, des GES et des déchets dans l’environnement bâti québécois se décline selon une hiérarchie de stratégies (source 1, source 2, source 3) :
L’évitement ou la prévention (ne rien construire : explorer des alternatives pour répondre aux besoins)La réduction et l’optimisation (moins construire : maximiser l’utilisation des actifs existants et envisager tous les scénarios de développement selon une approche de cycle de vie complète)La planification sur le long terme (construire de façon intelligente : mettre en œuvre des stratégies qui optimisent les actifs et leur utilisation tout au long de leur cycle de vie)La compensation dans le cas des GES ou le recyclage et la valorisation dans le cas des déchets (construire et compenser les émissions ou recycler et valoriser les déchets à la source)
L’actualisation de cette hiérarchie passe par la prise de décision informée tout au long du cycle de vie d’un actif bâti, peu importe l’échelle d’intervention (équipement, bâtiment, infrastructure, ville ou territoire). En ce sens, l’accès à une information de qualité en temps opportun, pour supporter cette prise de décision, est essentielle. La transition numérique, incarnée par le Building Information Modeling (BIM) et l’adaptation du concept de jumeau numérique à l’environnement bâti, constitue la solution la plus probante pour parvenir à accélérer et soutenir la transition écologique du secteur.
En effet, le BIM permet la centralisation et assure l’accessibilité de la donnée et de l’information sur un actif bâti, tout au long de son cycle de vie. Le concept de jumeau numérique est caractérisé par la bonification du modèle d’information d’un actif bâti avec de la donnée contextualisée captée par des senseurs. De nombreux usages de ces données et de cette information sont possibles afin de soutenir la prise de décision. En matière de réduction des déchets, il est question d’une meilleure coordination spatiale qui diminue le nombre de reprises en chantier, d’un support à la préfabrication, dont le Design for Manufacturing and Assembly (DfMA), qui constitu un vecteur de transformation avec beaucoup de potentiel pour la réduction des déchets. Un rapport récent, dont la réalisation a été soutenue par Recyc-Québec, reconnaît le BIM comme approche potentielle pour la réduction des matériaux et résidus de construction.
En matière de réduction de la consommation énergétique, la modélisation et l’analyse de l’efficacité énergétique des bâtiments via le BIM aident les équipes de conception et les propriétaires immobiliers dans leurs décisions concernant les mesures d’efficacité énergétique et la conformité règlementaire. Des économies de 30 % en matière d’énergie ont étés mesurées grâce à la modélisation énergétique. L’apparition des jumeaux numériques permet le suivi de la consommation énergétique tout au long du cycle de vie de l’actif bâti.
Finalement, en matière de réduction des GES, l’analyse de cycle de vie supportée par le BIM constitue une avenue prometteuse, permettant de comprendre l’impact des choix de conception sur la production et l’émission de carbone, ceci afin de prendre des décisions éclairées. Cependant, bien qu’il existe de plus en plus d’outils pour supporter ce processus, beaucoup de travail reste à faire afin de le rendre plus fluide.
Les défis environnementaux et climatiques auxquels nous devons faire face exigent une vision claire, un leadership fort et une convergence des efforts. La transition numérique a un potentiel considérable, lorsque bien amorcée et encadrée, de répondre à ces défis. Encore là, faut-il un leadership fort et une convergence des efforts. En établissant des objectifs communs, il devient possible de conjuguer transition numérique et transition écologique pour un environnement bâti québécois durable et de qualité. Cette réflexion est amorcée au Québec, il faut maintenant l’encadrer, la soutenir davantage et en faire la promotion. Ceci fera l’objet de la prochaine chronique.